Explication du projet

Tout projet a son histoire. Il est vrai que tout homme a un type de couteau le représentant, cela pourrait vous étonner.

 Le couteau qui me plait, c’est le couteau de berger le « deux clous Corse ». Simplicité pure, une bonne lame forgée en acier carbone et un manche simple dans une belle corne de bélier. J’aime le couteau utile, servant tous les jours et nous suivant toute une vie, voire plus. Il doit être fidèle.

 En tant que coutelier d’art j’essaye toujours de garder cette ligne directrice de valeurs et de traditions autour du couteau. La décoration a aussi toujours fait partie de l’histoire traditionnelle du couteau français et je l’ai très vite compris. 

Dès mes débuts, les clients venaient à moi avec une partie de vie importante qu’ils voulaient retranscrire dans leur commande. Se livrant parfois à moi sur des moments difficiles de leur existence. 

Cela m’a exercé à l’art de la sculpture sur couteaux. Et même si ma vocation est au couteau utile, ma qualité d’artisan d’art m’oblige à faire de temps en temps des pièces artistiques. Un projet m’a omnibulé cet été pendant un petit séjour sur l’Île de beauté, un thème marin sur une dague. Et quoi de mieux que la légendaire pieuvre géante comme thème, c’était une évidence.

 Mais cela prend du temps, beaucoup de temps, et en tant qu’artisan on sait qu’il est difficile de faire vivre sa famille et s’arrêter pour realiser un projet de cette ampleur. Mais la passion l’emporta. Après quelques longues discussions avec ma femme sur la mise en place, aussi bien artistique que matérielle, ce projet commença à la rentrée de septembre sans savoir qu’il s’arrêterait fin novembre ! Un projet, sans caricaturer, réfléchi au centième de millimètre près! 

J’ai commencé par le manche pour finir par la lame. Une bonne semaine pour faire les pièces de visserie, de la garde et du pommeau et bien sûr la poignée en Ebène noir avec ses incrustations de fils d’argent torsadés. 

Et plus de 200 h de sculpture pour la lame, et pour rajouter de la difficulté au projet je ne pouvais pas faire ce que tout coutelier sait faire de mieux, à savoir un bon traitement thermique et une bonne émouture. Tout pouvait être anéanti pendant ces deux étapes mais avec crainte et audace, tout s’est passé au mieux. 

Quand ce fut terminé, on ne pouvait pas imaginer que cet objet pourrait autant interpeller, et franchement, quand je l’ai dans les mains j’ ai du mal à réaliser que c’est moi qui l’ai fait, mes mains n’y croient pas non plus et pourtant ! 

Trois mois de ma vie, de notre vie de famille font partie intégrante de ce projet. Alors, même si pour certains, l’inutile l’emporte sur l’art, rien ne peut l’emporter sur l’Histoire. 

ALEXANIAN Joel